Cet article est proposé par une fidèle lectrice, que je remercie chaleureusement.
D’après le livre de Dominique Sabourdin-Perrin, Marie-Clotilde de France, la sœur oubliée de Louis XVI, éditions Salvator).
Vous connaissez certainement Madame Élisabeth, la sœur de Louis XVI, rendue célèbre par sa belle prière d’abandon, et la magnifique biographie qu’en a fait Jean de Viguerie (vous la trouverez ici). Mais savez-vous qu’ils avaient aussi une sœur, Marie-Clotilde ? Plus ignorée, elle n’en fut pas moins extrêmement admirable, de par la grande vertu de force qu’elle exerça tout au long de sa vie (1759-1802). Le premier grand déchirement de son enfance fut la perte de ses parents. Pieusement élevée par Madame de Marsan, qu’elle chérit et révère comme une mère, elle développe ses qualités de cœur et d’affection fraternelle auprès de sa sœur Elisabeth, dont elle est très proche. Sa gouvernante les nourrit de littérature classique, avec grande rigueur et esprit de Foi. Marie-Clotilde est douce, affable et soumise, contrairement à Elisabeth, très vive et indépendante. La première est très décriée quant à son physique tout en rondeurs, les courtisans la surnommant méchamment « Gros Madame »… Loin d’aigrir la princesse, ces quolibets blessants ne font que renforcer la grande humilité.
Le deuxième grand déchirement est son mariage avec le Prince de Piémont-Sardaigne, ce qui implique pour elle de quitter son cher pays et sa famille affectionnée, et surtout sa sœur Elisabeth ! A l’époque les grands voyages sont rares, et en leur disant adieu elle est sûre de les quitter pour toujours… Heureusement, son fiancé, qui ne la connaissait pas, est conquis par son rayonnement et sa spontanéité dès la première entrevue. Marie-Clotilde se jette alors à son cou, rassurée qu’il l’aime et ne la repousse pas à cause de son poids, qu’on lui reprochait sans cesse… Après un mariage en grande pompe à Versailles, en 1775, les époux mènent à Turin une vie pieuse et pleine de tendresse l’un pour l’autre. Tous deux auraient en effet largement préféré le cloître à la couronne, qu’ils acceptent néanmoins dans le plus grand abandon à la volonté divine.
Dès les débuts du mariage, Clotilde apaise son époux et aplanit les relations familiales parfois houleuses et conflictuelles. A distance, elle s’enquiert et prend soin de ses neveux et nièces français. En effet, le couple royal essaie pendant huit années, en vain, de concevoir un enfant. Certaines mauvaises langues affirment stupidement que cette stérilité apparente est due au surpoids de la reine. Pour tenter de restaurer sa fertilité , Clotilde est soumise aux traitements les plus loufoques des médecins de l’époque, qui, à force de saignées, de cures et de régimes redoutables, finissent par lui ruiner la santé. Si bien que cette femme florissante n’est plus que l’ombre d’elle-même, décharnée et perdant ses dents… A l’issue de ces années difficiles, le roi et la reine décident de vivre comme frère et sœur tout en renforçant leur vie spirituelle déjà très intense, qui leur permet de porter dans la paix la douloureuse épreuve de l’infertilité.
Quand Charles-Emmanuel accède au trône royal à la mort de son père, c’est encore sa femme qui l’assiste de toutes ses forces et joue un rôle primordial de conseillère à ses côtés. En effet, la charge est lourde pour le nouveau roi qui n’en a pas du tout la carrure, de santé nerveuse très fragile. De nombreuses crises l’accablent, et son épouse veille tel un ange à son chevet, ne sachant quoi inventer pour le soulager. Les époux se consolent de la croix pesante du trône en se dépensant sans compter pour les pauvres, les églises et les couvents, qu’ils comblent de leurs bienfaits. Marie Clotilde offre régulièrement ses plus beaux bijoux pour orner les Madones des églises qu’elle parcourt. Elle s’efforce d’adoucir la vie de tous ceux qu’elle rencontre, serviteurs, famille… Mais reste très ferme en ce qui concerne les mœurs et la tenue vestimentaire : lors d’un opéra, elle confie à une servante une épingle à remettre à une dame de la cour, afin de remédier à son décolleté plongeant… Elle-même par esprit de pénitence décide de ne plus porter qu’une simple robe de laine bleu-ciel, se dépouillant au maximum, tel une moniale.
Malheureusement, Charles-Emmanuel n’est pas doué en politique et ne s’attire pas beaucoup de sympathies, voulant appliquer scrupuleusement la loi. Avec la meilleure volonté du monde, il prend volontiers conseil auprès d’un religieux qui, hélas, n’y connaît pas grand-chose aux affaires temporelles… Par ailleurs, les époux sont trop austères pour la vie de cour mondaine, et on le leur reproche. Cependant, la reine suit avec effroi les troubles révolutionnaires français, d’autant plus qu’elle ne peut soutenir sa famille de près dans cette épreuve. C’est avec une très profonde douleur qu’elle apprend l’assassinat de son frère Louis XVI, puis de sa sœur bien-aimée par son peuple. Là encore, son courage dans l’acceptation chrétienne de l’épreuve fait l’admiration de tous. Rien n’est perdu de ses souffrances, elle offre tout . Par la suite elle accueille dans sa nouvelle partie les membres exilés de sa famille.
Bientôt, c’est le couple royal lui-même qui doit s’exiler au fin fond de l’Italie, pour échapper à la vindicte française. Les conditions matérielles et humaines de la fuite sont terribles pour les époux, qui se voient bien souvent les objets de la haine publique du peuple. Malgré tout, des consolations leur sont accordées, comme les quelques jours de répits qu’ils passeront auprès du Saint Père. À la suite d’une prédication enthousiasmante d’un Père capucin, la reine rentre au Tiers-Ordre de Saint François, qui correspond tout à fait à l’esprit de pauvreté et de joie qui l’anime. Usée prématurément par cette vie d’épreuves, Marie-Clotilde décède à 42 ans du typhus, très chrétiennement. Charles-Emmanuel, effondré, demande peu après son admission à la Compagnie de Jésus où il finira ses jours avec grande piété.
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Un grand merci à cette lectrice pour cet article fabuleux ! Je suis très attachée à l’histoire de notre pays et je trouve formidable de voir un article qui en parle ici. Il est en plus très bien écrit. Merci infiniment pour ce voyage, qui nous sert d’exemple !